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FB : C'est Kiyoshi Kusumi, ex-rédacteur en chef de Comickers, actuellement rédacteur en chef de Bijutsu Techô (le mensuel d'art de référence au Japon), qui est à l'origine du terme. Au dos du bandeau d'Une belle manga d'amour (mon album sorti au Japon en 1999, rassemblant histoires courtes, illustrations et la traduction-adaptation de Demi-tour), il avait rédigé : « Manga Nouvelle Vague no tanjô ! » (« Naissance de la Manga Nouvelle Vague ! »). Pour lui, il s'agissait de résumer en quelques mots ce que lecteurs et professionnels japonais ressentaient au sujet de mon travail : depuis mes premières parutions deux ans plus tôt, mes histoires n'étaient perçues ni comme de la BD ni comme de la manga, mais plutôt comme une bande dessinée intermédiaire au graphisme proche de celui de la BD mais qui se lit presque comme de la manga, et dont les thèmes et le ton rappellent le cinéma français... Rapidement raccourci - comme c'est souvent le cas avec les nouveaux mots japonais - en « Nouvelle Manga », le terme faisait une première apparition dans les médias en janvier 2000, avec un article de la journaliste Chié Sumiyoshi pour le magazine de mode Ginza : « Furansu no BD to nihonsei comic no mariage, Nouvelle Manga » (« Nouvelle Manga, le mariage de la BD et de la manga »). Les dernières apparitions en date sont, les 25 et 26 octobre derniers, dans Mr High Fashion, autre grand magazine de mode (pour chroniquer l'Épinard de Yukiko, le magazine a spécialement créé une rubrique « Nouvelle Manga » aux côtés des rubriques habituelles « Mode », « Topics », ou « Exhibition »), et le grand quotidien Mainichi Shimbun : « Gambare zainichi furansujin sakka » (disons, « Tiens bon, auteur français au Japon ! ») article de Fusanosuke Natsume sur l'Épinard de Yukiko et l'Événement Nouvelle Manga... JB : Par la suite, tu as eu l'idée d'étendre ce terme à la manga d'auteur fondée sur le quotidien. Tu notes la connivence de cette manga avec la nouvelle bande dessinée française. Finalement, la Nouvelle Manga est-elle l'expression de cette connivence, ou une nouvelle forme de bande dessinée qui emprunterait à la fois aux deux formes ? FB : Une bande dessinée d'auteur à mes yeux universelle est née dans les années 90 en Europe et aux États-Unis, rejoignant son homologue japonaise qui avait quelques années d'avance. Le terme Nouvelle Manga pourrait en désigner la conscience, et les initiatives d'auteurs européens, japonais ou américains qui pourraient l'accompagner : c'est une idée que je lance, une proposition, mais dont la concrétisation ne dépend évidemment pas que de moi. En attendant, « Nouvelle Manga » désigne diverses autres choses plus modestes, et tout d'abord, comme je viens de l'expliquer, une forme de bande dessinée entre la BD et la manga et qui rappelle, aux yeux des Japonais, l'esprit du cinéma français. Cette Nouvelle Manga, dans l'immédiat, c'est moi. Je veux dire juste moi. Autant dire rien du tout, une goutte d'eau dans l'océan. Il y a en France une nouvelle génération de dessinateurs dont le graphisme s'inspire des codes de la manga. Sur des modes de récits typiquement BD (je pense aux albums de Marini au début des années 90), ou franchement comics (comme les publications plus récentes chez Glénat), ces auteurs expérimentent depuis quelques années un nouveau type de dessin, de réflexes graphiques, venus du Japon. On peut dire que leurs bandes dessinées empruntent aux deux genres (voire aux trois dans le cas des comics chez Glénat), mais une question importante est de savoir ce qu'ils « apportent » à chacun de ces genres. Le dessin façon manga a sans doute « apporté » quelque chose à la BD, mais a-t-il eu, aura-t-il, une influence sur la manga du Japon ? Je ne le crois pas. Jusqu'à nouvel ordre, si elles satisfont peut-être les fans français du genre, les manga « à la française » restent pour la plupart illisibles par les lecteurs japonais, quand elles ne sont pas tout simplement perçues comme grotesques... Si le terme Nouvelle Manga est né au Japon pour définir mon travail, c'est, je crois, que mes BD ne se contentent pas d'« emprunter » à la manga, mais semblent aussi un peu lui « apporter ». Une fois ces notions d'apport et d'échange établies et bien comprises, et si la Nouvelle Manga en désigne aussi la capacité et la volonté, évidemment, je m'y sens beaucoup moins seul. J'y ai de grands prédécesseurs et sans aucun doute de bien beaux successeurs... Parmi les prédécesseurs, je citerais bien sûr Jirô Taniguchi, que je connais depuis plus de dix ans. Je l'ai rencontré pour la première fois en janvier 1991, à l'occasion du Festival international de la BD d'Angoulême auquel il avait été convié avec deux autres auteurs japonais. Cette année-là, le festival avait choisi la bande dessinée japonaise pour thème, pour le plus grand plaisir des quelques rares fans français de l'époque, mais dans l'indifférence générale du grand public et des médias : le boom « du » manga ne devait éclater en France que deux ans plus tard. Le grand public français de l'époque connaissait peut-être les dessins animés télévisés japonais, mais il ignorait tout de la manga sur papier, jusqu'à son existence même. Quant aux amateurs, ils ne juraient que par deux ou trois noms, Katsuhiro Ôtomo ou Masamune Shirow... Une situation que je retrouve curieusement aujourd'hui au Japon par rapport à la BD : la plupart des Japonais ne savent même pas qu'elle existe, quant aux rares amateurs, ils n'identifient au fond que deux ou trois auteurs, toujours les mêmes, ceux de ce qu'ils appellent le « french comic »... Sinon, pour en revenir à ta question, au delà de ces problèmes d'esprit ou de mouvement, « Nouvelle Manga » est également tout simplement un mot-clé dont le but avoué est de faire connaître dans les deux pays ce que BD et manga ont de meilleur. |
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