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Page 2 : Emploi au féminin / « Traductions de Papa » Page 3 : Kôdansha & Casterman Page 4 : Ego comme X / L'association art-Link / Origines de l'événement Page 5 : L'exposition aux Beaux-Arts de Tôkyô / La Maison de la Nouvelle Manga Page 6 : L'exposition Fabrice Neaud / La conférence / Mobilisation des médias Page 7 : L'Épinard de Yukiko / Conclusions FB : Un hasard m'avait conduit dans les bureaux de Morning (la revue de Kôdansha qui devait plus tard publier les auteurs francais) lors de mon tout premier voyage l'été 1990, six mois avant que la rédaction ne prenne ses premiers contacts avec la BD européenne. En 1993, j'étais le premier auteur occidental à recevoir la bourse de séjour Morning Manga Fellowship, grâce à laquelle j'ai pu passer un an à Tôkyô et écrire,
en collaboration avec Benoît Peeters, le scénario de Tôkyô est mon jardin. J'avais reçu la bourse et j'étais venu pour trouver la matière à l'histoire d'un Français à Tôkyô, et c'est donc ce sujet que j'ai proposé simultanément à Morning et À Suivre après quelques semaines de séjour. Si l'idée avait été bien accueillie par À Suivre, elle a été immédiatement jugé ennuyeuse par les gens de Morning : « Pourquoi ne feriez-vous pas plutôt l'histoire, beaucoup plus amusante, d'un Japonais à Paris ? » m'ont-ils proposé lors d'une petite réunion ! Côté Casterman, Benoît Peeters et moi, avec l'aide de la rédaction de Morning, avons proposé une collaboration avec Jirô Taniguchi pour les trames de Tôkyô est mon jardin là aussi six bons mois avant l'idée d'une édition française de l'Homme qui marche, et une bonne année avant que ne soit lancé le projet Icare avec Mœbius... J'étais donc aux avant-postes des deux aventures Kôdansha et Casterman, j'ai vécu cette période de l'intérieur... Mon avis n'en est pas pour autant parole d'or : il est toujours facile d'expliquer le pourquoi du comment des échecs ou des réussites des autres, plus dur est de tenter les choses. La vraie difficulté est toujours celle du pionnier, de l'aventurier, du défricheur, et beaucoup plus rarement celle du commentateur. Et pour ce qui est du travail de pionnier, on peut dire que celui de l'équipe de la rédaction de Morning, pendant plus de 7 ans, a été admirable ! Ils ont tenté de faire ce qu'aucun éditeur au Japon n'avait jamais osé, et n'osera sans doute plus avant un moment : sortir à une grande échelle la manga de son enfermement, en proposant une bande dessinée toute différente au grand public japonais. Ils avaient beaucoup d'atouts pour réussir : la structure et l'argent, (Kôdansha est l'un des trois premiers éditeurs au Japon), l'expérience (leur stratégie tirait les leçons d'une précédente tentative malheureuse de publication, celle des premiers tomes de l'Incal, des Passagers du vent et de Ranxerox à la fin des années 80), la curiosité et la motivation (les rédacteurs de Morning n'ont jamais cessé d'aller au devant des gens ou de les convier, on ne compte pas leurs aller-retour entre l'Europe et le Japon), et leur corollaire le talent. Les auteurs qu'ils ont invités ou publiés étaient parmi les meilleurs, Kôdansha a réussi l'exploit de faire travailler quelques-uns de nos meilleurs artistes, dont bon nombre à l'époque restaient tout à fait ignorés des éditeurs français, ou tout au mieux traités avec condescendance... Pour moi, quand un éditeur réunit toutes ces qualités, et si le public ne suit décidément pas, ce n'est pas l'éditeur qui est à mettre en cause, en tous cas pas directement : à mes yeux, les raisons de l'échec de la publication d'auteurs étrangers dans Morning sont à mettre sur le compte du lectorat, ou plutôt de son ciblage forcené, un problème beaucoup plus large, complexe, et qui concerne toute l'édition japonaise de manga. À cette difficulté, s'est sans doute ajoutée celle de la « nostalgie », ou plus précisément de son absence. Il me semble que le public japonais auquel la BD peut s'adresser au Japon n'est pas celui de la manga grand public, en tous cas pas celui de Morning, Big Comic, Young Jump et autres revues très ciblées, mais un public plus varié, à mes yeux plus ouvert, qui se trouve parmi les amateurs de manga alternative au quotidien et plus généralement les amateurs d'art d'un côté et ceux du cinéma français de l'autre. Pour ce qui est de Casterman, les raisons du flottement de leur collection manga en France sont à chercher ailleurs. Le milieu des années 90 marquait la fin de la grande époque Casterman, l'éditeur avait perdu beaucoup de sa motivation et donc de son talent, et tout esprit d'initiative : les échanges avec Kôdansha étaient à sens unique, même dans le cas, et c'est un comble, des publications d'auteurs français comme Baru ou Alex Varenne. |
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