Sommaire :
 
Page 1 :  Naissance du terme Nouvelle Manga
Page 2 :  Emploi au féminin / « Traductions de Papa »
Page 3 :  Kôdansha & Casterman
Page 4 :  Ego comme X / L'association art-Link / Origines de l'événement
Page 5 :  L'exposition aux Beaux-Arts de Tôkyô / La Maison de la Nouvelle Manga
Page 6 :  L'exposition Fabrice Neaud / La conférence / Mobilisation des médias
Page 7 :  L'Épinard de Yukiko / Conclusions
  JB : Tu conçois la Nouvelle Manga comme un « label » qui pourrait susciter des publications en France et au Japon d'auteurs issus de la scène alternative des deux pays. En France, ce label n'est donc pas forcément lié à Ego Comme X, il pourrait être accolé à des publications chez d'autres éditeurs, des événements ?

  FB : C'est mon souhait en tous cas... « Nouvelle Manga » est avant tout un mot-clé, celui d'une initiative d'auteur, qui doit pouvoir susciter d'autres initiatives de divers auteurs ou éditeurs français et japonais ou à l'occasion d'événements.
  Cela dit, dans mon esprit, il s'agit moins en fait de BD et manga alternatives que, tout simplement, de BD et manga d'auteur. Bien sûr, la loi du marché veut que ces dernières se trouvent plutôt chez les éditeurs indépendants, mais des pages d'artistes rompus aux circuits commerciaux mais attachés au quotidien, comme Cosey ou Jean-Claude Denis par exemple, pourraient avoir leur place dans une édition, ou une exposition, Nouvelle Manga au Japon...

  JB : Tu expliques aussi que ce label pourrait s'ouvrir, en France ou ailleurs, à des auteurs qui auraient été influencés par la manga, mais une influence narrative et non graphique. À qui penses-tu ? Existe-t-il selon toi des jeunes auteurs déjà influencés (la découverte de la manga par le grand public ne date que d'une dizaine d'années en France) par la narration de la manga, et pas seulement par son type de dessin ?

  FB : De plus en plus de créateurs français vont s'intéresser à la manga d'auteur.
  Les traductions d'œuvres de qualité comme celles de Jirô Taniguchi, Taiyô Matsumoto ou Hisashi Sakaguchi ont déjà marqué quelques esprits. Celui de Fabrice Neaud, par exemple, qui pourrait vous expliquer en quoi la narration japonaise a influencé quelques passages du Journal (III) ou un épisode entier de son prochain opus.
  Je souhaiterais maintenant que les mangaka japonais eux aussi s'intéressent à la bande dessinée européenne d'auteur et quittent un peu les schémas de cette « french comic » pesante, désuète et tristouille qui encombre les librairies d'import, Mœbius (dans le meilleur des cas), Segrelles et Méta-barons...

  À la base de cette idée d'une Nouvelle Manga, il y a la volonté de susciter des rencontres, des échanges, et donc, j'espère, des œuvres futures. Des auteurs de talent comme Pascal Rabaté ou Étienne Davodeau sauraient tirer le meilleur parti d'une connaissance plus juste, plus directe, de la bande dessinée japonaise, tout comme Kiriko Nananan ou Usamaru Furuya, s'ils en avaient l'occasion, ne manqueraient pas de retirer quelques beaux enseignements de notre BD née dans les années 90...

  JB : L'Événement Nouvelle Manga a été organisé dans le cadre du festival art-Link 2001, qui investit les vieux quartiers de Yanaka et d'Ueno à Tôkyô. Comment es-tu entré en contact avec les organisateurs ? De quel budget disposais-tu ? Est-ce qu'ils t'ont laissé « carte blanche » ?

  FB : Tout s'est décidé très rapidement au cours d'un repas avec deux amis membres de l'association art-Link, un soir de novembre 2000... Au départ, je cherchais une simple salle d'exposition pour présenter les planches d'un livre que Naito Yamada et moi avions projeté de réaliser ensemble un an plus tôt et dont la date du publication devait correspondre à la période du festival, mais l'idée de la Nouvelle Manga qui sous-tendait l'ouvrage les a séduits et c'est l'organisation de tout un événement qu'ils m'ont proposé !
  Nous avions 10 mois pour réaliser l'ensemble du projet, l'imaginer, le budgétiser, trouver les sponsors, les lieux d'expo, former une équipe de bénévoles...
  L'association art-Link prenait en charge toute l'organisation : en décembre 2000, elle démarrait à zéro, sans un yen, avec une équipe technique constituée de deux personnes, Issei Miki, responsable financier, et Toshimasa Fujita. Ils étaient bientôt rejoints par Mariko Konno, responsable logistique, par ailleurs étudiante aux Beaux-Arts mais aussi modèle de plusieurs personnages de mes BD, dont Yukiko... De notre côté, Naito Yamada et moi avions carte blanche pour définir le contenu de l'événement.

  JB : C'est donc Naito Yamada et toi qui avez dirigé les quatre expositions et la performance, qui avez choisi et contacté les auteurs que vous vouliez y voir figurer ?


L'affiche de l'Événement Nouvelle Manga
conçue pas Satoko Kojima

  FB : L'idée d'une exposition principale présentant les planches originales d'auteurs français et japonais s'est imposée d'elle-même, et si mes souvenirs sont bons c'est Naito Yamada qui a lancé celle de l'atelier commun portes ouvertes. J'ai pour ma part proposé d'y inviter David B., Fabrice Neaud et Loïc Néhou. Je souhaitais bien sûr y convier des auteurs japonais, tout comme je pensais tout naturellement que Naito Yamada se joindrait à nous, mais les choses n'ont pas évolué en ce sens.
  Après quelques semaines, Naito Yamada prenait ses distances avec l'événement, proposant toujours d'y participer mais, disons, en tant qu'invitée, et nous laissant à mes partenaires japonais et moi-même la charge de l'organisation. Dans la foulée, elle a également abandonné notre projet de livre commun, qui était pourtant à l'origine de l'événement... Au printemps 2001, nous avons dû nous adapter : la Nouvelle Manga n'était plus le projet créatif, éditorial et événementiel commun de Naito Yamada et moi-même, mais celui d'art-Link et le mien.

  Entre temps, Issei Miki et Mariko Konno n'avaient pas chômé : le budget fixé, ils avaient décroché un premier sponsor puis trouvé un premier lieu, la galerie Kingyo qui acceptait d'accueillir la performance-exposition de l'atelier commun, la future Maison de la Nouvelle Manga. En juin, les Beaux-Arts proposaient leur superbe salle Masaki Kinenkan pour l'exposition principale, tandis qu'après Ego comme X en France, les éditions Ohta décidaient de publier l'Épinard de Yukiko au Japon sous le label Nouvelle Manga.
  Début juillet, une quarantaine de bénévoles, dont une dixaine de traductrices, avaient rejoint l'équipe du projet Nouvelle Manga, principalement des jeunes filles âgées de 19 à 27 ans, aussitôt baptisées « Nouvelle  Mangirls » par Mariko ! Parmi elles, l'architecte d'intérieur Satoko Kojima, qui a accepté de se charger des scénographies de l'exposition Fabrice Neaud et de la Maison de la Nouvelle Manga... Un garçon enfin, et pas des moindres, s'est joint à nous et mettait définitivement notre projet sur les bons rails, l'architecte Tomomichi Natsume à qui j'ai pu confier la scénographie de l'exposition principale aux Beaux-Arts...

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