Sommaire :
 
Page 1 :  Naissance du terme Nouvelle Manga
Page 2 :  Emploi au féminin / « Traductions de Papa »
Page 3 :  Kôdansha & Casterman
Page 4 :  Ego comme X / L'association art-Link / Origines de l'événement
Page 5 :  L'exposition aux Beaux-Arts de Tôkyô / La Maison de la Nouvelle Manga
Page 6 :  L'exposition Fabrice Neaud / La conférence / Mobilisation des médias
Page 7 :  L'Épinard de Yukiko / Conclusions
  JB : Une exposition dans un décor typiquement japonais (cloisons et tatamis, lumière naturelle, visiteurs déchaussés, petites tables où étaient présentées les planches originales). L'atmosphère devait être propice à la contemplation ! Ce type d'installation n'est-elle d'ailleurs pas plus adaptée à la présentation de planches de bandes dessinées, comparée aux expositions traditionnelles (accrochage au mur, spectateur debout) ?

L'affiche de l'exposition Nouvelle Manga, conçue pas Satoko Kojima

  FB : La nature même de la salle, une grande pièce d'architecture japonaise autrefois destinée aux expositions d'emakimono, les dessins sur rouleaux, suggérait une présentation à l'horizontale...
   Comme les visiteurs d'autrefois, ceux de l'exposition Nouvelle Manga étaient ainsi invités à s'asseoir en tailleur pour regarder les originaux, planches finalisées ou esquisses simplement posées sur un fond de velours, parfois aux côtés d'ouvrages ouverts ou fermés... Au contraire des expositions verticales traditionnelles, où l'on regarde les planches au lieu de les lire, en passant et comme un tableau, cette présentation à l'horizontale m'a effectivement semblé tout à fait adaptée à la nature de la bande dessinée. Les cahiers originaux de Frédéric Poincelet avaient eux aussi particulièrement fière allure dans leur socle horizontal...

L'affiche de la
Maison de la Nouvelle Manga
conçue pas Satoko Kojima

  JB : Comment s'est passé la performance-exposition ? Là encore, c'est un « concept » original qui se prête parfaitement à le découverte de la bande dessinée ?
  Tu étais sur place tous les jours, dans ton propre atelier, que tu avais déplacé pour l'occasion, pour commenter les planches exposées ou présenter l'auteur invité du jour. Quels auteurs se sont prêtés au jeu ? Quelles ont été les réactions des visiteurs, plongés dans le quotidien d'un auteur de BD ?

  FB : Quand Naito Yamada avait lancé cette idée d'un atelier portes ouvertes, il s'agissait sans doute pour elle de coller à l'esprit particulier du festival art-Link, celui d'une intégration des artistes et de leurs œuvres dans les quartiers populaires de Tôkyô, dans une volonté d'échange, de communication avec ses habitants...
  Personnellement, j'y voyais en plus la chance d'un échange en profondeur entre auteurs français et japonais, l'occasion unique de leur faire partager la convivialité et la créativité, extrêmement rares au Japon, de l'atelier commun à la française, à l'image de l'Atelier des Vosges où j'ai travaillé deux années aux côtés de David B., Joann Sfar, Christophe Blain, Émile Bravo et quelques autres...
  Malheureusement, si, côté français, les auteurs invités se sont tous prêtés au jeu avec générosité pendant les 10 jours de la performance, aucun artiste japonais n'était finalement sur les lieux, à part Yuka bien sûr, l'épouse et partenaire coloriste de Walter.
  Le désistement de Naito Yamada annoncé quelques semaines avant le début de la performance ne nous a pas aidés. Mais peut-être ne s'est-elle pas désisté, je veux dire, peut-être n'avait-elle effectivement tout simplement jamais dit clairement qu'elle comptait participer ? Franchement, je ne sais pas... En tous cas, Naito Yamada évaporée, je n'ai pas pu, seul et dans les semaines qui restaient, trouver l'auteur miracle supposé la remplacer au pied levé et en même temps m'aider à en contacter d'autres.
  La performance de la Maison de la Nouvelle Manga n'en fut pas moins une belle expérience de rencontre entre les auteurs français et les visiteurs. Du simple curieux passé en voisin au professionnel venu en reportage, chacun était accueilli en invité chez un auteur de BD, pouvant librement fouiner dans sa bibliothèque, l'observer pendant son travail ou l'en distraire, boire avec lui une bière ou un thé sur la terrasse... Un moment unique qu'on ne renouvellera pas de sitôt.

  JB : À l'étage, une exposition présentait les travaux des coloristes Walter & Yuka. Pourquoi cette exposition ? Pour marquer la spécificité de la BD franco-belge, quant à l'utilisation des couleurs ?

  FB : Pas particulièrement. Au contraire, la couleur de la BD franco-belge me semble être une carte à manipuler avec beaucoup de prudence au Japon : avec une exposition sur ce thème, le risque était grand de conforter les visiteurs dans leurs préjugés : « la BD, c'est des beaux livres d'images... ».
  Pour cette petite salle au premier étage, j'avais d'ailleurs dans un premier temps songé à présenter la fameuse exposition itinérante de Comix 2000, toute de planches noir et blanc...
  Mais Walter et Yuka sont venus s'installer à Tôkyô en juin. Je les ai rencontrés et me suis aperçu que nous avions les mêmes amis : la plupart des auteurs avec lesquels ils collaboraient étaient ceux que je souhaitais faire découvrir au public japonais, qui me semblaient avoir ici une chance, d'Emmanuel Guibert dont je prévoyais de présenter la Guerre d'Alan à l'exposition Nouvelle Manga, à Joann Sfar pour lequel mon épouse et moi venions de traduire un épisode de Grand Vampire dans le magazine Error.
  Au fond, en demandant à Walter et Yuka d'exposer leurs travaux, c'est plus leur remarquable sens de la BD (ils ont su collaborer avec les meilleurs auteurs de la génération des années 90) et un parfum d'Atelier des Vosges que j'ai souhaité présenter, que directement leur talent de coloristes, aussi formidable soit-il.

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